Construire un centre commercial est avant tout une histoire de spéculation financière et immobilière.
Construire et exploiter un centre commercial est une juteuse affaire pour les promoteurs immobiliers et les fonds d’investissement. Les quinze premières annĂ©es, les placements affichent un taux de rentabilitĂ© de 7,5 %, supĂ©rieurs aux 4% affichĂ©s dans le secteur du logement. Au delĂ , tout est bĂ©nĂ©fice puisque la remise en Ă©tat du site ne sera jamais Ă la charge du promoteur. RĂ©sultat, depuis 15 ans en France, les centres commerciaux ont prolifĂ©rĂ©. Les pays en compte plus de 750 et une cinquantaine encore en construction. C’est la course au toujours plus, toujours plus gros, dans une concurrence effrĂ©nĂ©e des territoires.
Comment une telle rentabilité est elle-possible ?
Les promoteurs exigent des loyers fixes très importants, faisant porter tous les risques sur les occupants. C’est le cas, dans le reportage de cette commerçante de la Vache Noire Ă Arcueil, avec 73 000 € annuel de loyer pour une petite surface, elle n’a jamais rĂ©ussi Ă faire dĂ©coller son commerce. RĂ©sultat, un endettement considĂ©rable pour les commerçants indĂ©pendants et des frais que seuls peuvent supporter et nĂ©gocier les enseignes mondialisĂ©s et standardisĂ©es, dĂ©tenues par des fonds d’investissement et bĂ©nĂ©ficiant de coĂ»ts logistiques très faibles.
Cette rentabilité est-elle durable ? La bulle spéculative des centres commerciaux
Le dĂ©calage entre surfaces consacrĂ©es au commerce de masse et potentiel de consommation subit un dĂ©calage de plus en plus important. Si les surfaces augmentent encore de 3,5 % par an, la demande n’augmente elle que de 1,5%. Les promoteurs sont dans un cercle infernal de croissance et de concurrence de leurs centres commerciaux. Parallèlement le modèle de croissance infinie de la consommation s’effrite de plus en plus. En janvier 2015, une baisse globale des ventes de 1,1% Ă©tait constatĂ©e.
Parallèlement, les cellules commerciales des centres se vident. En 2014, la vacance commerciale constatez – comprenez la part moyenne de locaux vides sur leur nombre total – Ă©tait de 7,6%.Â
L’Institut pour la ville et le commerce estime que la filière de l’immobilier commercial est rentrĂ©e dans une bulle spĂ©culative. Selon lui, l’ensemble des acteurs de la filière de production de ces surfaces (distributeurs, investisseurs et collectivitĂ©s) est dans une incapacitĂ© croissante Ă s’autorĂ©guler. Les prix, qu’il s’agisse des valeurs locatives, des valeurs d’actifs ou des valeurs foncières, apparaissent de plus en plus dĂ©connectĂ©s de leur fondement Ă©conomique et ne jouent plus leur rĂ´le d’ajustement dans les rapports d’échanges.Â
Des ouvertures au dĂ©triment des commerces et de l’emploi de centre ville
En centre ville, en moyenne, 8% des locaux commerciaux sont vides. L’effet de l’ouverture d’un centre commercial pĂ©riphĂ©rique sur les centres villes n’est plus Ă dĂ©montrer.
Plusieurs études ont ainsi démontré que pour un emploi créé en grande distribution, précaire et à temps partiel non choisi le plus souvent, ce sont entre trois à cinq emplois durables qui sont détruits par ailleurs. (Source : Les coulisses de la Grande Distribution de Christian Jacquiau)
Ce sont ainsi deux modèles de sociĂ©tĂ© qui s’opposent : des usines Ă consommer ou des centres ville vivants.