Immochan proclame :
11 780 emplois directs
12 600 emplois directs en phase de construction
(4200 par an)
13 000 emplois indirects
5 775 emplois induits
…
En réalité, seuls les emplois directs sont comptabilisables….
Les emplois directs
Il s’agit des emplois des salariés qui sont localisés sur le site.
Mais attention aux chiffres indiqués !
1/ Quelle bases de calculs pour les emplois directs ?
L’emploi direct pour la phase de construction serait calculé sur la base des dépenses d’investissements converties en productions des secteurs du bâtiment et des travaux publics, elles-mêmes converties en emplois à partir des ratios de l’enquête annuelle d’entreprise. Il s’agit d’une source INSEE macro-économique qui ne tient aucun compte du contexte local et notamment du suréquipement en centres commerciaux, qui aboutit à des situations de “métiers en tension”, ne trouvant pas de main-d’oeuvre locale. Par ailleurs, les emplois des sous-traitants, de travailleurs détachés, etc. sont-ils comptabilisés ?
- Si l’on prend par exemple les chiffres du chantier de Flamanville – Le projet s’élève à ce jour à 10,5 milliards d’euros et emploierait au maximum 4000 personnes simultanément, dont environ 20% de travailleurs étrangers. Soit un ratio de 1 emploi annuel de chantier pour 380 000 millions d’euros. Ce qui pour EuropaCity équivaudrait à 1 181 emplois annuels et non 4200 emplois, comme c’est affiché.
- Pour le chantier du centre commercial de La Valette, on parle de 150 ouvriers pour 51 000 m² de commerce mais aussi un multiplexe, 300 logements, un hôtel et 7000 m² de bureaux pour 140 000 millions d’investissement. Ce qui pour EuropaCity équivaudrait à 3 321 emplois annuels.
- Enfin le chantier du Millénaire à Aubervilliers n’a occupé “que” 138 personnes sur le chantier.
- Le chantier du Lyon-Turin, emploie quant à lui actuellement 300 personnes, dont la moitié seulement sur site.
Ces chiffres sont bien loin des 4200 emplois annuels promis par Auchan.
L’emploi direct pour la phase d’exploitation serait obtenu grâce à des rations d’emplois à partir de surfaces d’exploitations équivalentes des différentes activités d’EuropaCity. Ces ratios auraient été obtenus auprès des professionnels des secteurs du tourisme et du commerce.
- Aéroville représente 1600 emplois (contre 2600 promis) pour 83 300 m² de surface commerciale et restaurants – appliqué au 250 000 m² de surface commerciale et restaurants d’EuropaCity, cela devrait correspondre à 4802 emplois
- Le musée de l’Air et de l’aviation du Bourget emploi 110 salariés sur 255 000 m², cela représenterait 22 emplois pour les 50 000 m² de “culture”. Un peu plus générateur d’emplois car structure publique et nécessitant une surveillance accrue des œuvres, le musée du Louvre emploie près de 2000 personnes pour une surface de 210 000m², on obtiendrait à peine 476 emplois.
- Eurodisney emploie 15 000 salariés sur 2 230 ha de surface de divertissements, restauration, commerces, appliqué aux 80 ha d’EuropaCity cela représenterait 538 emplois !
Bons joueurs, nous cumulons ces différents chiffres et arrivons à peine à 6 000 emplois bruts environ. Et c’est sans compter les gains de productivité liés notamment au développement du numérique (ex- caisses automatiques, caméras de vidéo-surveillance), ni les déplacements et destructions d’emplois. Nous ne voyons donc pas d’où peuvent sortir les 11 780 emplois promis en phase d’exploitation, d’autant plus si l’on se projette dans la situation économique de crise et dans le développement du numérique.
2/ Emplois bruts ou emplois nets ?
On nous annonce 11 800 emplois « bruts » (comme si EuropaCity était une île) alors qu’il faut prendre en compte des emplois « nets » (reposant sur un « solde » qui comptabilise les emplois implantés sur le site, après avoir retranché les milliers d’emplois supprimés par ailleurs).
3/ Temps plein ou temps partiel ?
Contrairement à ce qui est affirmé, il s’agit probablement de « postes » (occupés par des personnes) et non d’emplois qui ne sont pas forcément à temps plein. Les vrais « emplois » doivent être calculés en « ETP » = Equivalent Temps Plein. S’il y a deux personnes qui travaillent à mi-temps, ceci ne représente en réalité qu’un seul emploi. Or dans la grande distribution, 1/3 des emplois sont à temps partiel. Faut-il réduire d’un tiers les promesses d’EuropaCity ?
4/ Emplois temporaires ou permanents ?
Dans le tourisme et les loisirs, il y a beaucoup d’emplois « saisonniers » en CDD pendant les périodes de vacances. Exemple : en mars 2016, Disneyland recrute 8000 personnes dont 1000 en CDI (12,5%). Quelle proportion pour EuropaCity ?
Sur ces 3 points, nous ne disposons d’aucun renseignement dans l’étude Emploi effectuée par le cabinet Sémaphores.
Les emplois indirects
Il s’agirait des emplois des sous-traitants effectuant une activité de biens et/ou de services pour le compte d’EuropaCity.
Il n’y a aucune preuve que ces sous-traitants soient localisés et pérennisés sur le territoire. Par exemple, puisque Wanda (n°1 des groupes chinois) est entré au capital d’EuropaCity, quelle est la part d’emplois indirects de personnels localisés en Chine fabriquant des produits qui seraient importés ensuite à Gonesse ?
A refuser absolument, parce que nous n’avons aucun moyen statistique d’évacuer les doubles-comptes et d’identifier les emplois locaux. Si par exemple une filiale polonaise de Bouygues livre des matériaux à Gonesse pour réaliser le parc des neiges, les chauffeurs polonais seraient comptabilisés dans les emplois indirects d’EuropaCity (mais ils seraient déclarés aussi à l’étranger)… Impossible aux demandeurs d’emplois du bassin de Roissy de rivaliser avec des travailleurs déplacés (payés 300 € /mois) lors d’une embauche !
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Notons que dans sa mise à jour 2015 des chiffres d’Emploi, le cabinet Sémaphores n’a pas pris en compte ces emplois indirects.
Les emplois induits
Il s’agit des emplois générés par les dépenses des salariés employés par EuropaCity.
Une méthode à proscrire absolument, qui permet de multiplier par 3 ou 4 les emplois directs, sans que l’on puisse prouver la réalité de ces postes. On prend les salaires versés aux employés du site (en l’occurrence les 11800 actifs promis par EuropaCity), on calcule leurs dépenses commercialisables (en utilisant des moyennes observées en France, soit une hypothèse d’1/3 du salaire dépensé localement…) et on affecte ces dépenses au lieu d’habitat de ces travailleurs, qu’on transforme en équivalent-emplois !!
Exemple : prenons le cas d’un chômeur espagnol Bac + 5 embauché par Disneyland, payé au SMIC et logé dans un mobilhome (ce qui permet au passage de déclarer que l’emploi est «local»). On affecte le 1/3 du salaire de cet employé au site Disney de Chessy en Seine-et-Marne et on transforme ses dépenses en équivalents-emplois de vendeurs en boutique, d’animateurs d’attractions et de serveurs… Comme si ce travailleur s’habillait en priorité en tee-shirt Mickey, pratiquait ses loisirs sur place, mangeait tous les jours dans les restaurants Disney, n’allait guère à l’extérieur et n’envoyait pas un centime à sa famille !!
Ce mode de calcul discutable, mis au point il y a plus de 20 ans, a été abandonné par tous les économistes de l’emploi qui respectent une déontologie professionnelle. D’ailleurs, dans l’étude ECODEV, il est précisé en introduction que SEULS les emplois directs sont pris en compte.
[contentcards url=”http://www.madmoizelle.com/travailler-a-disneyland-paris-93300″ target=”_blank”]
Les emplois non délocalisables : “Faire rêver, c’est un métier”
Ceci signifie que les emplois localisés sur le site d’EuropaCity ne seraient pas déménagés ailleurs. C’est ce qu’a promis également Disneyland lors de son implantation en Ile-de-France. Mais cet engagement qui vaut au moment de l’ouverture ne signifie absolument pas qu’il soit ensuite observé dans le temps. En réalité, dans le cas de Disneyland, ce sont les travailleurs recrutés qui sont « délocalisés », en provenance de toute l’Europe et même du monde entier (100 pays différents). L’entreprise peut toujours justifier la rupture de son contrat initial : « nous n’avons pas trouvé sur la place la main-d’œuvre que nous cherchons » et se sentir libre d’organiser comme Disney en 2016, des castings au Portugal, en Irlande ou en Grèce.
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Conclusion
Pour reprendre l’adage bien connu : « les promesses n’engagent que ceux qui les croient ».
Seuls les emplois directs sont à considérer, à condition qu’il s’agisse d’emplois nets, calculés en ETP (équivalent -temps-plein), qu’ils soient distingués les emplois saisonniers et permanents et qu’ils reposent sur des études un plus étayées.