Depuis sa création en 2011, le CPTG n’a eu de cesse de dénoncer les promesses mensongères d’une « manne d’emplois » générée par l’implantation d’EuropaCity, censée « ruisseler » abondamment sur les populations du territoire du bassin de Roissy. Rappel historique de quelques chiffres qui dérangent.
1. Addition des emplois du chantier et du centre après ouverture
Tout d’abord, dès 2011-2012, nous avons dénoncé l’addition erronée d’emplois liés à la « phase chantier » du méga-projet (estimés à 12 600 par la direction d’EuropaCity), ajoutés – sans crainte du ridicule – aux emplois liés à la « phase d’exploitation » (11 780), après ouverture du centre. Une absurdité de compter ensemble deux phases qui se succèdent dans le temps, comme si elles étaient simultanées. Imagine-t-on un coffreur-boiseur qui après avoir élevé des parois sur un chantier, se retrouverait ensuite vendeur en boutique, une fois le complexe de commerces et loisirs ouvert au public ? Cette manipulation grossière que nous avons mise en évidence a permis de dégonfler les emplois évalués à 24 380 au total… à 11 780 (arrondis à 11800) après ouverture.
Exit 12 600 emplois qui partent en fumée… Soit une diminution sévère de 51,7%.
Première désillusion.
2. Surestimation des emplois de chantier
Comme il y avait une « omerta » sur l’étude Emploi effectuée par le cabinet Sémaphores, il n’était pas possible de contester la méthodologie utilisée pour calculer les chiffres annoncés, même s’ils étaient à l’évidence surestimés. Notamment les 12 600 emplois de chantier paraissaient invraisemblables, comparés à d’autres cas. Depuis l’implantation d’EuroDisneyland qui avait mobilisé 10 000 personnes il y a une vingtaine d’années (1989-1992), pour un espace beaucoup plus vaste (2200 ha), les gains de productivité dans la branche Bâtiment/Travaux Publics ont été considérables. Le plus grand chantier français actuel (EPR de Flamanville, Bouygues) n’emploie simultanément au maximum que 4000 travailleurs. Alors que son budget s’élève à 10,5 milliards (à comparer aux 3, 1 milliards du projet porté par Auchan-Wanda).
Fin 2015, lorsque le « dossier complet » d’EuropaCity fut déposé par le maître d’ouvrage sur le site de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), l’étude Sémaphores est devenue accessible. Nous avons alors constaté son indigence (16 pages, en enlevant les intercalaires et les annexes) et relevé cette aberration énorme du nombre d’emplois du chantier, avec 4200 postes multipliés par 3 ans, soit 12600 !! Comme si quand on détenait un emploi pendant 3 ans, on occupait 3 emplois !! Nous avons ainsi pu protester et obtenir une correction de cette « erreur » (dixit le maître d’ouvrage, comme s’il s’agissait d’un léger problème de virgule !)
Le nombre d’emplois du chantier est ainsi réduit de 12600 à 4200. 8400 emplois passent à la trappe, soit une diminution de 66%.
Deuxième avatar.
3. Contestation du nombre global d’emplois
Mais tout au long du débat public en 2016, le CPTG a émis d’importantes réserves sur l’évaluation des postes estimés par le cabinet Sémaphores, d’autant plus que les chiffres se basaient sur des statistiques datant de 2009, malgré le libellé mensonger de la couverture de l’étude, prétendant une « mise à jour 2015 », dont nous avons cherché vainement la traduction dans les données indiquées. Sans compter la date de livraison de la gare « Triangle de Gonesse » qui est repoussée de 2024 à 2027 avec le nouveau calendrier du Grand-Paris-Express, ce qui signifierait un écart de 18 ans entre les références statistiques de l’expertise Sémaphores et la date de livraison d’EuropaCity, si son ouverture reste tributaire de la gare. C’est dans ce contexte de données contestables que la CNDP a décidé de consacrer sur son budget propre un « dire d’expert » indépendant, en l’occurrence M. Degorre, directeur adjoint de l’INSEE Picardie. Il a estimé les chiffres à 10 115 emplois bruts pour la phase d’exploitation, et à 3 350 pour le chantier.
Pour la phase d’exploitation, nous constatons à nouveau une diminution de 1700 emplois, soit une nouvelle perte de 14 %.
Troisième déception.
4. Un chiffre brut peut cacher un chiffre net : la délicate question du « solde »
Mais la controverse ne se tarit pas pour autant, car la question du solde reste entière : au nombre brut d’emplois créés, il convient de retrancher les emplois supprimés ailleurs. Sur ce thème, les échanges ont été houleux dans les différentes réunions du débat public. Une étude du cabinet Mac Kinsey financée par la foncière Unibail et la communauté d’agglomération Terres d’envol[1] s’est attachée à évaluer les « effets de cannibalisation » du projet EuropaCity. Pour celui-ci, la phase construction ne devrait pas dépasser 2500 emplois, dont 850 pourvus localement ; la phase exploitation représenterait entre 500 et 3000 créations nettes d’emplois, selon les scénarios[2]. Générant un PIB net compris entre 20 et 250 millions/€, contre 600 m/€ escomptés par le maître d’ouvrage.
Un impact beaucoup plus décevant que l’estimation de M. Degorre, qui avance seulement 2730 emplois disparus. Au total, nous parvenons à un effectif net de + 7385 travailleurs dans le meilleur des cas (expertise Degorre) ou à un solde qui pourrait être négatif et au mieux de + 3000 emplois (expertise Mac Kinsey).
Selon l’hypothèse la moins pessimiste, nous avons encore perdu sur le territoire environnant 2730 emplois, soit -27%.
Quatrième recul.
5. Une programmation en deux tranches
Par ailleurs, le projet EuropaCity devrait se dérouler en deux phases, la première représentant 60% du programme, l’échéance de la deuxième n’est pas précisée.
Ce qui signifie en réalité en hypothèse haute (expertise Degorre) 60 % de 7 385 emplois,
soit un chiffre recalculé de 4 430 emplois à l’ouverture du méga-projet.
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En Conclusion, au niveau quantitatif, nous constatons une énorme perte au regard des prévisions initiales, qui se sont désagrégées en cinq ans, au fur et à mesure des évaluations successives, pour ne représenter plus que… 18% des promesses. S’il s’était agi de pertes financières d’un tel niveau, la situation aurait représenté une véritable banqueroute. Mais comme ce sont des promesses qui n’engagent pas leurs auteurs, ce sont les populations, les collectivités locales et l’État qui constituent les perdants de cette affaire.
Dernier point et non des moindres : nous n’avons effectué ici qu’une analyse des quantités d’emplois qu’EuropaCity a fait miroiter auprès des pouvoirs publics et des habitants du territoire, mais il reste un volet négligé, qu’il s’agit désormais d’approfondir : la mise en relation entre l’offre d’emplois portée par Auchan-Wanda et la demande de la main-d’œuvre locale, en termes de filières d’activités, compétences et qualifications. Car il s’avère que non seulement l’apport en emplois du projet est extrêmement modeste, mais il est probable qu’il ait une utilité locale particulièrement faible pour les populations environnantes. En témoignent les taux d’emplois générés par les grands pôles spécialisés de Roissy et de Disney sur les populations riveraines, qui employaient en 2013 respectivement 6,5% et 4,1% des actifs résidents de leur bassin d’emploi.