Retour sur la rencontre-débat du 24 mai à la Bourse du travail autour du travail de Jacqueline Lorthiois (1946-2024) et des co-auteurs du livre “L’imposture du Grand Paris Express”
Samedi 24 mai après-midi, à la Bourse du Travail à Paris, a eu lieu la rencontre-débat intitulée «Les Transports en Île-de-France : que devrions-nous savoir sur le Grand Paris Express ?».
Elle était organisée en hommage à Jacqueline Lorthiois, co-fondatrice du Collectif, décédée le 31 décembre 2024, pour mettre à l’honneur son travail de géo-urbaniste, socio-économiste au travers de la présentation de l’ouvrage collectif «
L’Imposture du Grand Paris Express : un éléphant blanc qui trompe énormément », co-écrit avec Harm Smit, Jean Vivier et Jean-Pierre Orfeuil, dont l’objectif est de révéler les gabegies d’un projet de transport ne correspondant pas aux besoins de la population.
Animée par Sophie Charconnet, membre du CPTG, la rencontre a débuté par une table ronde avec :
– les co-auteurs du livre :
- – Jean VIVIER, ancien chef des services d’études de la RATP et ancien conseiller scientifique de l’Union internationale des transports publics. Il ne pouvait être présent. Son intervention avait été enregistrée quelques jours auparavant et a été diffusée en visio.
- – Jean-Pierre ORFEUIL, urbaniste, expert des transports, professeur émérite à l’École d’Urbanisme de Paris – Université Gustave Eiffel
- – Harm SMIT, ingénieur-physicien de formation – urbaniste de terrain et coordinateur du Collectif OIN Saclay
– deux invités, proches de Jacqueline Lorthiois :
- – Pascal BERTOLINI, Conseiller départemental du Val d’Oise (Groupe Gauche Socialiste Écologiste)
- – Marc PELISSIER, Président de l’Association des usagers des Transports d’Île-de-France – AUT-IDF.
Nous étions donc une cinquantaine de personnes réunies pour cet évènement, toutes et tous intéressé·es pour découvrir les “dessous du Grand Paris Express”, ce métro en rocade né du “Grand Huit”, métro décidé par le président Sarkozy, défendu par Christian Blanc, alors secrétaire d’État chargé du Développement de la “Région capitale” pour améliorer l’attractivité de Paris.

Ce projet était déjà critiqué en 2010 par Jean VIVIER, l’un des co-auteurs du livre, alors conseiller scientifique de l’Union Internationale des Transports Publics, ancien chef des services d’études, retraité de la RATP.
Petit rappel historique :
« Il aurait fallu améliorer le réseau existant » a expliqué Jean VIVIER ; c’est également la même situation qui se reproduit pour le Grand Paris Express, qui selon lui, n’est pas adapté à la demande en transports de la population, est beaucoup trop coûteux et de ce fait, empêche d’améliorer l’existant qui se dégrade au fil des années – lignes 7/8/9/13 – ou de dédoubler des tunnels pour la circulation plus fluide et de façon indépendante des RER B et D.
Jean-Pierre ORFEUIL, chercheur ayant beaucoup travaillé sur la mobilité des usagers des transports en commun s’est « opposé au Grand Paris Express depuis le début ».
En 2010, le Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, a lancé le projet du «Grand Paris » et créé la Société du Grand Paris – SGP – pour rendre la métropole plus attractive en développant 40 pôles d’activités économiques (commerces, numériques, recherches,….), l’objectif étant de faire de la capitale une « Ville Monde » avec le métro le plus long. Mais le modèle ne fonctionne pas car surtout aucune évaluation des besoins pour les transports pour les Francilien·nes n’a été menée.
Le Grand Paris Express construit par la SGP, devenue en 2023 la “Société des Grands Projets” afin d’étendre ses compétences dans toute la France, ce sont des gares surdimensionnées, des “lignes à la campagne” qui risqueront d’être sous-exploitées, des projets de logements dans les quartiers-gares ne correspondant pas à la demande, et une explosion des coûts. A l’origine, le projet était chiffré à 22,6 milliards € ; ce montant a été réévalué plusieurs fois depuis 2012 et les coûts ont été multipliés par deux pour le côté technique et par 4 pour les frais financiers. L’endettement – selon Jean-Pierre ORFEUIL – risquerait de durer jusqu’en 2070 – soit 40 ans après la fin prévue des travaux. Et on ne parle pas encore des coûts d’exploitation !
Harm Smitt commence fort avec le titre de ce support visuel “Le Grand Paris Express : Mythes, illusions, erreurs et mensonges ! “
Prenons un ou plusieurs exemples de chacun de ces titres :
Un des mythes est les « effets structurants des transports » comme créateur d’emplois, concept emprunté à l’ingénieur et urbaniste, Jean-Marc OFFNER. Or, un transport n’a jamais créé d’emplois.
Les illusions sont la densification autour des gares : le transport créerait des emplois et réduirait les inégalités sociales. Or, “pourquoi les gens s’agglutineraient docilement autour des gares” précise Harm SMIT et “rien ne s’est passé comme prévu dans les quartiers-gares de GPE” dit-il, citant Daniel BEHAR, urbaniste, en mai 2022.
Une des erreurs majeures est qu’une nouvelle offre de transports créerait sa propre demande, ou bien le fait de relier entre eux des pôles d’emplois, et non des lieux d’habitation avec des zones d’activités.
Concernant les mensonges proférés par la SGP, le Grand Paris Express se justifierait pas sa fréquentation. Or si nous prenons l’exemple de la ligne 17, sur les 580 000 habitant·es estimé·es par la SGP desservi·es par ce transport, seul·es 58 000 le seraient en réalité, soit seulement 10 % des chiffres avancés par la SGP !
Un espoir déçu : Marc PELISSIER a précisé le contexte de la genèse du Grand Paris qui a représenté un grand espoir pour les usagers des transports en commun avec un métro en rocade et pour les élu·es, puisque cela ne représentait aucun coût pour les communes au regard du financement particulier du projet. Ceux-ci, très appâtés par cette situation, ont soutenu et soutiennent encore ce(s) projet(s). Le risque de ce projet dispendieux réside dans le fait qu’aucune réflexion et évaluation n’ont été réalisées sur le coût de fonctionnement. De plus, le budget alloué à cette infrastructure se fait au détriment de l’entretien de celles existantes qui est très insuffisant.
Pascal BERTOLINI a expliqué, lui, avoir collaboré dernièrement avec Jacqueline LORTHIOIS pour décortiquer la réalité des chiffres de l’INSEE relatifs aux actifs occupant un travail – ne comprenant pas ceux en recherche d’emploi :
19 % d’entre elles/eux travaillent dans leur communes, 48 % dans une commune environnante et 20 % travaillent sur Paris, ce dernier résultat étant en augmentation et correspondant au QCA (Quartier Central des Affaires) formé d’une partie des 1er, 2ème, 8ème, 9ème, 16ème et 17ème arrondissements de Paris. Le quartier de la Défense est en déclin et perd de plus en plus d’entreprises au profit d’autres quartiers. Paris n’aurait que moins de 4 % de bureaux inoccupés alors la Défense aurait un taux d’inoccupation de plus de 20 %.
Les personnes qui travaillent dans leur commune ou dans celles environnantes, utilisent de préférence les bus ou tramway (ex. : le T 11)
Pour remplacer l’usage de la voiture, il faudrait renforcer les liaisons de bus en fréquence et développer le tramway pour adapter l’offre de transport aux besoins et pour des coûts moins importants. Le problème est que les budgets d’investissements passent dans le Grand Paris Express alors que les transports existants nécessitent d’être fortement améliorés.
Quelques questions de l’assistance ont permis aux intervenants de préciser leurs propos.
Puis, Sabine LORTHIOIS, la fille de Jacqueline, nous a informé·es qu’elle effectuait en ce moment un tri des documents de sa mère pour les remettre aux Archives Départementales. Si un·e étudiant·e est intéressé·e pour classer et/ou exploiter et/ou l’aider …ielle serait bienvenu·e.
Saynète écrite par Jacqueline LORTHIOIS
Sophie ALMASAN et Pascale PORTE, membres du CPTG, nous ont interprété une saynète intitulée « Le service des réclamations des habitants du Triangle » écrite par Jacqueline avec beaucoup d’humour et de dérision sur le Société du Grand Paris : tout un programme !
Simon BORGNIET – dessinateur au Journal Le CHIFFON notamment – a « croqué » les interventions de chacun·e pour immortaliser cet après-midi riche en partages et échanges.
Un pot de l’amitié nous a permis de prolonger nos débats autour de douceurs partagées.
Un grand Merci à tous et toutes les participant·es !
Nous sommes certain·es que Jacqueline nous regardait !
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