EuropaCity à Aulnay-sous-Bois : une pomme de discorde à 3 milliards
COMMERCE. Le débat public sur EuropaCity, le gigantesque centre du futur mêlant boutiques et lieux de loisirs près de l’aéroport de Roissy, touche à sa fin. Ses opposants dégainent une nouvelle étude.
Dévaler une piste de ski avec la tour Eiffel en ligne de mire après avoir fait des emplettes dans des enseignes inédites en France, côtoyant musées, espaces verts et hôtels sur 80 ha : bienvenue en 2024 à EuropaCity, un projet à 3 MdsEUR initié par Immochan, la filiale immobilière du groupe Auchan (propriété de la famille Mulliez). Depuis le printemps, plus une semaine sans qu’un sondage, une enquête ou des tribunes ne se défient à une cadence qui s’accélère. Car le débat public qui doit jauger l’opportunité du projet s’achève le 30 juin. A Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) demain, il sera question d’impact économique avec la publication d’une étude réalisée par le cabinet McKinsey.
L’implantation de ce gigantestque centre commercial et de loisirs, un concept nouveau en France, avait été initialement envisagée en Espagne, près de Barcelone, confie Christophe Dalstein, directeur du projet EuropaCity. Mais lorsqu’en 2009 le projet du Grand Paris se précise, les promoteurs se concentrent sur le triangle de Gonesse dans le Val-d’Oise et ses 300 ha de maïs, blé et colza, entre autoroutes et aéroports du Bourget et de Roissy-Charles-de-Gaulle. Le développement économique y est stratégique, la région l’a réaffirmé dans son schéma directeur.
Le maire de Gonesse, Jean-Pierre Blazy (PS) se souvient encore de cette rencontre en 2010, où « EuropaCity est venue [le] voir avec la bénédiction de l’Elysée et de la région…» Avec ce projet, la ville obtient l’assurance de décrocher une gare du futur métro du Grand Paris sur la ligne 17. Paris ne sera plus qu’à 24 minutes.
Avec le Grand Paris, EuropaCity voit grand. Et depuis l’ancien président Nicolas Sarkozy, défenseur de la première heure du projet, aucune voix discordante ne s’est fait entendre au plus haut niveau de l’Etat. Laurent Fabius, Manuel Valls, Emmanuel Macron ont affiché leur soutien, jusqu’à François Hollande, qui le 26 février recevait à l’Elysée Vianney Mulliez et Wang Jianlin, patron du géant chinois Wanda, nouvel associé au sein de la société Alliages et Terriroires. « Trois milliards d’euros d’investissement privé avec plus de 10 000 créations d’emploi en cette période de marasme, qui cracherait dessus ? » commente un observateur toutefois sceptique sur la viabilité économique d’EuropaCity. « Bien sûr, il y a une part de risque, ce projet initié par un groupe familial se projette dans trente ans. Mais nous sommes dans une profonde transformation de nos modèles économiques », rétorque Christophe Dalstein.
« C’est la négation du débat public ! » tempête de son côté Bernard Loup, coprésident du collectif du Triangle de Gonesse, qui fédère une quinzaine d’associations des deux départements opposées à ce projet. La menace d’une nouvelle Zone à défendre (ZAD) affleure souvent dans les discussions, mais les écolos ne sont pas seuls vent debout… En Seine-Saint-Denis, les élus sont unanimement méfiants. « On voit mal comment le plus grand centre commercial d’Europe pourrait sortir de terre à moins de 500 m de la friche PSA(NDLR : site de l’ancienne usine Peugeot-Citroën d’Aulnay) », commente Stéphane Troussel, président (PS) du département qui appelle l’Etat à la rescousse.
Les élus locaux craignent un impact négatif sur l’emploi et les projets commerciaux déjà en cours sur le secteur. Demain, tous les regards se tourneront vers la région. Pour le moment, sa présidente, Valérie Pécresse (LR), botte en touche, réservant son avis au 26 juin, une fois terminée la synthèse des auditions de la région.
Des milliers d’emplois cannibalisés, selon une étude
Mille quatre cents créations nettes d’emplois contre 11 800 annoncées, 250 M€ d’impact sur le PIB au lieu de 1,8 Md€ promis… L’étude du cabinet McKinsey, dont nous avons pris connaissance, bat en brèche les promesses de retombées économiques affichées par les promoteurs d’EuropaCity. Le choix de ce prestigieux cabinet international ne tient pas du hasard : les commanditaires de l’étude — Paris, Terres d’Envol* et les centres commerciaux du secteur, qui l’ont financée —, voulaient écarter tout soupçon d’amateurisme.
McKinsey est parti des hypothèses du maître d’ouvrage, en les croisant à d’autres données, confidentielles et publiques, à l’horizon 2030.
« Si un centre commercial s’installe, les gens ne vont pas avoir par magie 30 % de pouvoir d’achat en plus. Ils vont reporter une partie de leurs achats », résume un technicien. L’étude met en lumière un « effet d’assèchement d’autant plus fort que l’offre d’EuropaCity est attractive ». Quant aux 4 200 emplois annoncés en phase de construction, ils seraient plus proches, selon l’étude, de 2 500. Des répercussions lourdes seraient à craindre, toujours selon l’étude : 1,1 Md€ du chiffre d’affaires serait capturé par EuropaCity au préjudice d’autres équipements, 250 M€ au détriment des centres commerciaux de la zone proche et 100 M€ au détriment des équipements de loisirs, soit une possible perte de 5 % de chiffre d’affaires pour Disneyland Paris à Chessy (en Seine-et-Marne) et pour le parc Astérix de Plailly (Oise), avance l’étude.
N’ayant pas eu connaissance de cette étude, EuropaCity n’était pas en mesure de réagir hier. « La Dirrecte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) a audité et validé le nombre de 10 à 12 000 emplois », précise toutefois Christophe Dalstein, directeur d’EuropaCity, qui sait qu’un complément d’expertise réalisé à la demande de la Commission nationale du débat public doit lui aussi être divulgué ce jeudi.
* Groupement de huit villes de Seine-Saint-Denis ; Tremblay-en-France, Aulnay-sous-Bois, Sevran, Le Bourget, Drancy, Dugny, le Blanc-Mesnil et Villepinte.
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