Cette contribution vient illustrer le débat du 28 Juin 2016 sur le thème de la « cannibalisation » des établissements commerciaux entre eux.
Nous avons choisi une filière d’activités, le « commerce de détail » et une commune : Gonesse. Nous avons examiné sur cette commune l’évolution du nombre d’établissements et d’emplois (d’après les statistiques UNEDIC), sur une période de 7 ans (31/12/2009 au 31/12/ 2015). Le but est de distinguer la situation des petits commerces et des grandes surfaces, exprimée par la taille moyenne du nombre d’emplois par établissement (voir ci-dessous). En bleu, les évolutions négatives, en rouge et violet, les gains.
On observe globalement que le nombre d’établissements a diminué de 17%, notamment dans le commerce de l’habillement qui apparaît comme un secteur en crise (14 fermetures
sur 54 initialement, soit une perte de -26%). Par contre, le nombre d’emplois est resté stable au cours de la période, à une unité près : 1520 emplois en décembre 2009, 1521 fin 2015. Dans ce jeu à somme nulle, la redistribution des cartes entre activités est particulièrement intéressante à étudier.
1/ Dans le petit commerce
Par activité détaillée, on constate beaucoup plus de cessions que de créations. Les ouvertures sont rares : un commerce de fruits-légumes, 2 boulangeries, une boutique de téléphonie, deux opticiens, trois activités foraines en alimentation et habillement. Quelquefois, on enregistre des gains d’emplois en boulangerie, ou en vente par automates.
A l’inverse, la plupart des établissements apparaissent en difficulté. Certains enregistrent une légère baisse : alimentation générale, tissus, quincaillerie, maroquinerie. D’autres connaissent des pertes d’emplois plus accentuées : vente à distance, équipement du foyer. 26 fermetures sont répertoriées : 2 marchands de journaux, 2 boutiques d’articles de sport, une pharmacie, une parfumerie, 2 bijouteries, une vente sur les marchés. Dans 7 cas, ces fermetures ont entraîné la disparition totale du domaine d’activité. Ainsi, Gonesse ne possède plus de magasin d’équipement informatique ou d’audiovisuel, de revêtements de sols, d’appareils électro-ménagers, plus de librairie, ni de fleuriste.
2/ La situation semble plus contrastée en ce qui concerne les grandes surfaces.
L’hypermarché Leclerc enregistre une faible perte de 15 emplois (-7%). En ce qui concerne la rubrique “meubles”, nous ne sommes pas en capacité d’isoler Ikea au milieu de 5 autres établissements, notons que cet ensemble accuse une baisse de 7% (-34 emplois).
Par ailleurs, la municipalité de Gonesse s’enorgueillit de créations d’emplois conséquentes en grande surface de bricolage, avec une hausse de 136 postes. Un quasi doublement d’effectifs, probablement imputable au développement de l’entreprise Leroy-Merlin (la branche étant constituée de 3 établissements, les chiffres sont pris dans leur ensemble).
3/ Au niveau global de la commune, nous constatons que les petits commerces disparaissent, sans doute essentiellement en centre-ville.
Tandis qu’une grande surface comme Leroy-Merlin se développe en périphérie, dans une zone interdite à l’habitat. D’où une perte d’équipements et services de proximité pour les gonessiens. Si le développement de l’activité bricolage compense quantitativement des fermetures de petits commerces, il s’agit d’une perte qualitative pour la main-d’oeuvre locale, par appauvrissement de la palette des métiers offerts. Jamais un buraliste, un pharmacien, un libraire ou un fleuriste ne souhaiteront bifurquer vers un poste de vendeur en outillage. Ces travailleurs qualifiés seront obligés soit de travailler au loin, soit de quitter le territoire pour sauvegarder leurs compétences et leurs qualifications.
Au total, même dans le cas d’un maintien du nombre d’emplois, il s’agit d’une triple perte pour la commune : pour l’animation de la ville, pour le salarié et pour le lien social.