Ligne 17 Nord : faut-il tripler l’offre, quand la demande a baissé d’un quart ?
Résumé de l’article paru sur le blog Médiapart de Jacqueline LORTHIOIS : https://blogs.mediapart.fr/j-lorthiois/blog/110822/ligne-17-nord-faut-il-tripler-loffre-quand-la-demande-baisse-dun-quart
Le triplement de l’offre de transports lourds, c’est :
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le RER B existant, assurant la liaison Roissy /Gare du Nord puis Châtelet et Paris-Sud, desservant les villes de Terres d’envol en direct vers l’aéroport (dans le bon sens Paris/Banlieue) ;
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le CDG Express Roissy / gare de l’Est dont les travaux ont commencé, une initiative privée ce qui explique le prix élevé du billet ;
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la ligne 17 Nord Le Bourget-Roissy, qui bénéficie d’un soutien renforcé sur le Triangle de Gonesse, avec le rejet de l’appel contre le permis de la gare en plein champ et la création d’une société dite « d’intérêt national » qui défend trois nouveaux projets dont une Cité scolaire en internat ( !) de 2200 élèves en zone de bruit qui interdit l’habitat.
La diminution de la demande de transport d’un quart, fait allusion au nouveau recensement de 2019 qui montre une perte notable d’attractivité du pôle de Roissy sur la main-d’œuvre des principales communes du pays de France, qui sont 24% de moins à travailler sur la plateforme aéroportuaire depuis 2008.
En une décennie, on a enregistré un découplage entre la croissance du trafic aérien qui augmente de 25% et le nombre d’emplois qui diminue de 20% (2009 -2019). Pourtant les élus du Val d’Oise, de la Région et l’État s’entêtent à poursuivre la stratégie de développement « dite » du Grand Roissy, c’est-à-dire concentrer les activités au nord du territoire, sur la plateforme aéroportuaire et les communes environnantes (dont Gonesse), alors que les besoins sont localisés au sud du pôle. Il manque notamment près de de 30 000 postes par rapport aux actifs dans les trois communes de Sarcelles, Garges-lès-Gonesse et Villiers-le-Bel, tandis qu’on comptabilise un excédent de 80 000 emplois dans les communes du Cœur de pôle de Roissy (dont Gonesse !).
Par ailleurs, les dernières statistiques de déplacements domicile-travail (2019) montrent qu’en une décennie (2008-2019), un actif sur 4 résidant dans une des communes du Pays de France a cessé de travailler à Roissy : 300 personnes de moins à Villiers-le-Bel ; 440 à Goussainville par exemple. Et la diminution de la main-d’œuvre employée à Roissy est plus élevée en Seine-Saint-Denis qui dispose pourtant d’une desserte directe vers l’aéroport : 560 travailleurs de moins à Aulnay, 618 à Sevran, 490 à Blanc-Mesnil. Ce qui vient contredire le principal argument avancé par tous les défenseurs de la ligne 17 Nord pour la justifier : il faudrait une offre de transport lourd pour permettre aux Val d’Oisiens d’accéder aux emplois de la plate-forme ! Pour les communes les plus déficitaires du département, le « taux d’utilité locale » de Roissy oscille entre 5 et 3% de la main-d’œuvre résidente (en comptant les chômeurs, à qui cette politique est soi-disant destinée).
Le graphique ci-après montre la part dérisoire (en rouge) des travailleurs de Roissy au regard de l’ensemble de la main-d’œuvre (en bleu) des 22 communes étudiées de ce qu’on désigne habituellement par le « Grand Roissy » et que nous préférons appeler le « pays de France ». Poursuivre une politique d’implantation d’activités localisées en dehors des principaux pôles urbains, générant une explosion des déplacements domicile-travail se révèle irresponsable avec l’accélération de la crise sanitaire, sociale et climatique. Nous refusons la multiplication de « villes dissociées » comme Gonesse, où « l’habitant n’y travaille pas et le travailleur n’y réside pas ». Il est urgent d’autonomiser les principaux pôles urbains du territoire, en priorité Aulnay-sous-Bois et Sarcelles, en les dotant d’emplois utiles – notamment des services de proximité ne réclamant ni transports lourds ni surfaces nouvelles à bétonner, avec des transports de desserte qui puissent mailler les bassins d’habitat et diminuer les besoins de transports à la source.
Quant aux projets nouveaux du Grand Roissy, ils n’ont aucune justification, il en existe une vingtaine en cours, la plupart en sommeil. La priorité est d’utiliser les ressources foncières existantes dédiées aux activités et de sauvegarder le patrimoine de terres agricoles particulièrement précieux au nord de l’Ile-de-France, à l’usage alimentaire des populations locales. Quant au projet de Cité Scolaire, plutôt que d’exposer 2200 enfants au bruit incessant des avions, il existe à Sarcelles un emplacement vacant tout trouvé, après l’abandon du Dôme, en centre-ville près du RER Garges/Sarcelles.
Le graphique ci-dessous démontre l’absurdité de continuer à tout miser sur le pôle de Roissy, qui ne joue plus qu’un rôle mineur dans l’avenir des 600 000 habitants des 22 principales communes du Pays de France.