La CNDP et sa nouvelle présidente alertent les Ministres sur les effets pervers du saucissonnage des procédures sur le territoire de Roissy – Triangle de Gonesse !
Préparation de la concertation préalable sur le projet de construction du nouveau terminal passagers ( Terminal 4 ) au sein de l’Aéroport Paris Charles-de-Gaulle ( Groupe ADP)”
concertation, on apprend que :
“consciente de l’ampleur des enjeux socio-économiques et environnementaux liés au projet de construction du Terminal 4 au sein de l’Aéroport Paris Charles-de-Gaulle, la CNDP souhaite que les modalités de la concertation puissent assurer une participation citoyenne répondant aux mêmes objectifs qu’un débat public.”
mais aussi que :
“afin d’élaborer une vision cohérente de l’aménagement du territoire, la CNDP appelle le gouvernement et les responsables politiques régionaux à engager une concertation citoyenne sur l’ensemble de cette zone géographique en intégrant à la fois le projet EuropaCity, le projet de «Terminal 4» et les projets de transport inscrits dans le cadre du Grand Paris, afin notamment d’en assurer la cohérence. “
Et dans le dit courrier daté du 7 juin 2018 téléchargeable sur le site de la CNDP, Chantal JOUANNO renouvelle en des termes très explicites cette demande adressée au gouvernement et aux responsables politiques régionaux :
“La Commission nationale du débat public a débattu ce jour suite à la saisine par Aéroport de Paris sur l’opportunité de mener un débat public concernant le projet de terminal 4 à Roissy. Les conditions légales d’organisation d’un débat public n’étaient malheureusement pas réunies en raison d’une réglementation étonnamment restrictive en ce qui concerne les projets d’infrastructures aéroportuaires. Aussi, ce projet sera soumis à la concertation publique sous la seule responsabilité d’ADP, et suivi par quatre garants de la CNDP.
Pour autant, ce projet d’infrastructure est majeur par ses enjeux socio-économiques et environnementaux.
La présentation de ce projet par les responsables d’ADP soulignait, par exemple, le risque de concurrence avec Europacity, notamment quant aux capacités d’absorption du réseau de transport. Il est par ailleurs évident que le périmètre de la concertation sur le T4 devrait concerner l’ensemble de l’Ile-de-France et impliquer d’autres maîtres d’ouvrage.
Les débats internes à la CNDP ont conduit l’ensemble des membres à vous saisir sur l’opportunité de mener un débat public sur la cohérence des projets envisagés sur cette zone géographique. Si les projets Europacity, CDG Express, ligne 17 et les infrastructures olympiques ont tous fait l’objet de démarches de concertation ou de débat public, leur cohérence n’a jamais été débattue. Plus encore, la multiplication de chantiers d’ampleur, qui ne s’adressent qu’indirectement aux habitants de ce territoire, pourrait susciter de vives oppositions locales.
Au-delà du projet T4, c’est bien le projet d’aménagement de l’ensemble de ce territoire qui devrait être soumis au débat public.”
Le CPTG qui dénonce depuis 2010 ce saucissonnage des procédures de consultation citoyenne se réjouit de voir la Présidente de la CNDP plaider auprès du gouvernement et du Conseil régional d’Ile-de-France en faveur de l’organisation d’un débat public sur la totalité des projets d’aménagement de l’ensemble de ce territoire Roissy – Triangle de Gonesse.
Déjà en 2016 l’Autorité environnementale avait souhaité l’organisation d’un débat public portant à la fois sur les projets ZAC et EuropaCity (voir Avis délibéré n°Ae 2015-103 du 2 mars 2016 sur la création de la ZAC du Triangle de Gonesse, pp. 10-11), mais sa voix n’a jamais été entendue.
En 2018 la demande de la nouvelle Présidente de la CNDP nommée le 19 mars 2018 connaîtra-t-elle un sort meilleur ?
Ceci est plus que souhaitable pour permettre à la France de se mettre en conformité avec la réglementation européenne et particulièrement la Directive 2011/92/UE modifiée relative à l’évaluation d’incidence des projets.
Selon le guide du ministère de l’environnement relatif à la notion de projet dans l’ordonnance n°2016-1058 du 3 août 2016, « la Cour de justice de l’Union européenne a également précisé que l’objectif de la réglementation (CJUE C-2/07 28 février 2008) ne saurait en effet être détourné par un fractionnement des projets et … l’absence de prise en considération de leur effet cumulatif ne doit pas avoir pour résultat pratique de les soustraire dans leur totalité à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble, ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 » (voir, en ce sens, l’arrêt du 21 septembre 1999, Commission/Irlande, C-392/96, Rec.p. I-5901, point 76). Ces jurisprudences sont toutes antérieures à la création de la ZAC Gonesse. (voir : l’Avis délibéré n°Ae : 2017-001 du 22 mars 2017 de l’Autorité environnementale – ZAC du Triangle de Gonesse (95) – actualisation de l’avis Ae n°2015-103, p. 12 note 33).
Le 10 juillet dernier encore nous avons dénoncé ce saucissonnage des procédures dans notre avis écrit dans le cadre de l’enquête publique relative à la demande d’autorisation environnementale et à la demande de permis de construire concernant un centre d’exploitation des lignes 16 et 17 du Grand Paris Express :
“Une fois de plus, il est procédé au « saucissonnage des dispositifs », alors que cette pratique a été dénoncée maintes fois par la Commission Européenne. A peine avons-nous répondu à l’enquête publique préalable à la demande d’autorisation environnementale concernant la création et l’exploitation de la ligne 17 Nord clôturée le 24 mai 2018 que nous sommes à nouveau sollicités, cette fois pour donner un avis sur le centre d’exploitation des lignes 16 et 17 sur les communes d’Aulnay-sous-Bois et de Gonesse ainsi que le permis de construire présenté dans la foulée. Nous nous interrogeons sur la nécessité d’une telle hâte, alors que la ZAC Triangle de Gonesse est pour le moment toujours invalidée par le Tribunal Administratif de Cergy.
Ce saucissonnage est contraire à la convention d’Aarhus, signée le 25 juin 1998 au Danemark par 39 États et adoptée en application de l’article 10 de la déclaration de Rio pour la région Europe de la Commission économique des Nations Unies, dont un des axes est de « Développer l’accès du public à l’information détenue par les autorités publiques, en prévoyant notamment une diffusion transparente et accessible des informations fondamentales ».
La France s’est engagée à double titre dans la transcription des principes d’Aarhus. Tout d’abord, en tant que signataire directe, cette convention internationale a, une fois publiée, une valeur infra constitutionnelle et supra législative. La convention d’Aarhus, approuvée par la loi n°2002-285 du 28 février 2002 puis annexée au décret de publication du 12 septembre 2002, est donc entrée en vigueur le 6 octobre 2002.
Ce saucissonnage se traduit également dans les documents fournis. Nous constatons par exemple que le volet B « étude d’impact de la ligne 17 Nord » fournit de nombreux renseignements sur l’état de l’environnement qui manquaient cruellement dans la précédente enquête publique fort incomplète. Une indigence de renseignements qui avait été relevée par l’Autorité Environnementale, et qui constituait un des motifs de l’avis très défavorable du CPTG du 21 mai 2018 (joint en annexe).”