Le Monde Planète : “Pourquoi ne pas faire des terres agricoles une chance pour la métropole de Paris ? – le 26/03/16

Le géographe Michel Lussault, professeur à l’ENS de Lyon, analyse les choix urbanistiques qui sous-tendent ce projet de méga-complexe initié par le groupe Auchan, qui devrait voir le jour à l’horizon 2020 dans le cadre du Grand Paris. 

A l’heure des discours sur la densification de la ville, que pensez-vous de la construction de ce vaste complexe très dévoreur d’espace en banlieue parisienne ?

Le projet répond lui-même à cette question, en expliquant qu’il ne mange “que” 80 hectares (“soit 8 % seulement des 1 000 hectares du Triangle de Gonesse”). Mais il ne peut évincer une problématique centrale : celle de considérerquelle politique de gestion des espaces non bâtis – agricoles, forestiers, naturels – on mène dans une grande métropole comme Paris. Comment les insère-t-on dans une stratégie urbaine, sans qu’ils finissent forcément en friches ou en espaces dédiés à l’urbanisation ?

Le projet répond lui-même à cette question, en expliquant qu’il ne mange “que” 80 hectares (“soit 8 % seulement des 1 000 hectares du Triangle de Gonesse”). Mais il ne peut évincer une problématique centrale : celle de considérerquelle politique de gestion des espaces non bâtis – agricoles, forestiers, naturels – on mène dans une grande métropole comme Paris. Comment les insère-t-on dans une stratégie urbaine, sans qu’ils finissent forcément en friches ou en espaces dédiés à l’urbanisation ?

Or, ce débat est resté quelque peu en jachère dans la réflexion autour du Grand Paris. Et dans le cas d’Europa City, on a encore l’impression d’un projet ponctuel, qui s’auto-justifie en expliquant qu’il mange finalement peu d’espace par rapport à ce qui reste. Sans répondre à la question : que fait-on, justement, de cet espace agricole ? On a finalement l’impression d’une démarche à l’ancienne : il y a du foncier, à la jonction de pôles importants comme Paris et Roissy, donc on y plaque un projet hors-sol.

Comment voyez-vous l’avenir de ces terres agricoles de région parisienne, sans cesse confrontées à l’avancée de l’urbanisation ?

Les terres agricoles d’Ile-de-France sont caractérisées par de grandes exploitations céréalières, avec un système de production industriel. Plutôt que de les voir en creux, comme des espaces à urbaniser, pourquoi ne pas en faire une chance, un élément qui a du sens et contribue à la métropole de Paris ?

Il n’est pas forcément nécessaire de les transformer en parcelles d’agriculture jardinatoire pour l’adapter à l’espace péri-urbain – surtout dans une zone exposée au bruit comme le Triangle de Gonesse, où l’on ne peut construire de logements [à cause de la proximité des aéroports]. On pourrait, au contraire, envisager de conserver ces grandes exploitations à la périphérie de la métropole, et même d’en faire une spécificité de Paris par rapport à Londres, Berlin ou New York. Surtout que ces terres sont fertiles, et que la problématique des besoins alimentaires et de la hausse de la demande céréalière est pleinement d’actualité…

Le projet, à visée touristique, comporte notamment une immense galerie marchande : est-ce encore pertinent de construire de grands centres commerciaux autour de Paris ?

Je suis prêt à défendre le développement d’un “hub” mondial à Roissy, d’un pôle scientifique et technologique à Saclay, d’un grand centre d’affaires à la Défense, mais dans le cas d’Europa City, on ne voit pas très bien quelle impérieuse nécessité guide le projet. Pourquoi créer un pôle touristique de plus à Paris ? En fait, on a un peu l’impression d’une démarche qui part de l’impulsion d’un investisseur privé [Auchan, en l’occurence] qui cherche une maîtrise foncière, et fait une opération stratégique positive pour son propre développement, avec la bénédiction des autorités locales.

Dans cette optique, on peut craindre, au final, le développement d’un méga-centre commercial. Or, si les galeries commerciales se développent encore dans de grandes métropoles asiatiques, en Europe, on réfléchit plutôt à d’autres formes d’espaces commerciaux que de grands centres accumulateurs d’automobiles. On pense aujourd’hui aux services et aux commerces de proximité, à la diffusion du commerce par Internet, et on se demande si ces débats sont arrivés aux oreilles des concepteurs de ce projet. On reste globalement sur le même modèle que ce qu’on a fait depuis trente ans, avec les résultats qu’on connaît sur la qualité des villes.

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